L’effervescence matinale de Campo de’ fiori est remarquable.
Les étalages exposent soigneusement aux passants des épices en tout genre, des fruits et légumes parfumés, des tee-shirts et des pulls sur lesquels on peut lire “I love Roma” ou encore des fleurs qui embellissent la place. Dans le brouhaha des annonces des marchands et des discussions des acheteurs, on peut distinguer le bruit continu de l’eau qui, débordant d’un seau soigneusement déposé plus tôt par le fleuriste sous le robinet, clapote sur les pavés de la place.
Le marché de Campo de’ fiori, ©jevisiterome
Dans cette frénésie générale, un promeneur attentif pourrait s’interroger sur cette figure austère et silencieuse qui surplombe la foule, qu’est la statue de Giordano Bruno.
Giordano Bruno est un religieux du XVI siècle qui se distingue par sa liberté de penser et par ses idées novatrices qui remettent en question le dogme religieux. Il naît dans une ville proche de Naples en 1548, il étudie la théologie et la philosophie et entre dans l’ordre dominicain de Naples. Rapidement, il se heurte à l’autorité religieuse et quitte l’ordre dominicain en 1576. Il entreprend un long voyage à travers l’Europe, en France, en Angleterre ou encore en Allemagne où il enseigne dans les universités tout en publiant des ouvrages dans lesquels il présente sa pensée.
Giordano Bruno s’inspire de la thèse de l’héliocentrisme proposée par Nicolas Copernic, et y ajoute la notion de l’univers infini. Dans cette immensité (jamais envisagée auparavant), Giordano Bruno s’interroge : comment Dieu omnipotent aurait-il pu inventer et construire un monde aussi infini et regorgeant de vie ?
Ainsi, Giordano Bruno ne s’oppose pas à la religion mais remet en cause certaines croyances fondatrices de la pensée chrétienne. Il est alors accusé de blasphèmes par l’Eglise et le tribunal de l’Inquisition le condamne au bûcher. Le système de l’héliocentrisme proposé par Copernic, ©Coll. Archives Larbor
En partant de la relation du philosophe avec la ville de Rome, nous retraçons les moments saillants de sa vie à travers les lieux, en nous concentrant sur les récentes interventions d’éclairage durable et écologique adoptées par l’Acea Energia (Société municipale pour l’énergie et l’environnement) pour les monuments de la ville éternelle. Ainsi, la lumière devient une clef de lecture moderne pour mettre en valeur l’histoire d’un homme éclipsé par l’histoire et mort dans les flammes.
Intérieur de la basilique de Santa Maria sopra Minerva,©michelangelobuonarrotietornato
Notre promenade débute en 1576 sur le parvis de la basilique de Santa Maria sopra Minerva, où le philosophe a été accueilli par le couvent dominicain parce qu’il était soupçonné d’hérésie. La basilique a été fondée au VIII siècle et reconstruite au XIII siècle sur les fondations d’un temple antique dédié à la déesse Minerve.
La seconde étape de notre parcours sur les lieux de la vie de Giordano Bruno, nous conduit sur la Piazza Navona, où sa sentence de condamnation a été lue dans la maison du cardinal Ludovico Madruzzo, et enfin la Piazza Campo dei Fiori, où le bûcher a eu lieu.
La place Navone, ©Wikipédia
Oeuvre d’Alberto Garutti (2019) ©MAXXI
Le projet du Lycée Jean Prouvé pourra s’inspirer de plusieurs exemples d’éclairage durable adoptés à Rome, notamment la fontaine de Trevi où les techniciens ont renouvelé le système d’éclairage artistique du monument en remplaçant 56 projecteurs par la technologie LED, et Piazza del Popolo, qui a récemment (2019) accueilli une installation conçue par l’artiste Alberto Garutti, réalisée par Acea et soutenue par la fondation MAXXI, pour célébrer les nouvelles naissances à Rome.
Pour aller plus loin :
L’illumination de la fontaine de Trevi a récemment été renouvelée. Le site internet de ACEA présente ce projet, vous pourrez découvrir des images et des vidéos de la nouvelle illumination en cliquant ici. Votre guide, Valentina, a traduit pour vous l’article en français, que vous pouvez télécharger ci-contre :
Pour en savoir plus sur l’illumination proposée sur la place du peuple, vous pouvez consulter ce site internet en cliquant ici et lire la traduction de Valentina ci-contre.
Cette vidéo a été tournée pendant le confinement, elle offre un point de vue exceptionnel sur la Fontaine de Trevi.
Le poète Trilussa parle de Giordano Bruno dans l’un de ses poèmes. Poète romain dialectal, il est connu pour avoir raconté dans ses œuvres des histoires de corruption politique, de fanatisme des hiérarques, de tromperies des puissants et de vicissitudes de personnages injustement condamnés. Voici le texte original de ce poème et une version française traduite par votre guide, Valentina.
POESIA: GIORDANO BRUNO (TEXTE ORIGINAL)
Fece la fine dell’abbacchio ar forno.
Perchè credeva ar libbero pensiero,
Perchè se un prete je diceva: – È vero
Lui risponneva: – Nun è vero un corno!
Co’ quell’idee, s’intenne, l’abbruciorno
Per via ch’er Papa allora era severo:
Mannava le scommuniche davero
E er boja stava all’ordine der giorno.
Adesso… so’ antri tempi! Co’ l’affare
Ch’er libbero pensiero sta a cavallo
Nessuno po’ fa’ più quer che je pare:
In oggi co’ lo spirito moderno
Se a un Papa je criccasse d’abbruciallo
S’accorderebbe prima cor Governo…
TRADUCTION EN FRANCAIS
Il a fini comme un agneau rôti
Parce qu’il croyait à la libre pensée
Parce que si un prêtre lui disait : – C’est vrai
Il répondait : – Ce n’est pas vrai du tout !
Avec ces idées, vous comprenez, ils l’ont brûlé
Parce que le pape était alors sévère :
Il a envoyé les excommuniés vraiment
Et le bourreau était à l’ordre du jour.
Maintenant… nous sommes à une autre époque ! Avec l’affaire
Que la libre pensée est à cheval
Personne ne peut faire ce qu’il veut
De nos jours, avec l’esprit moderne
Si un pape avait l’intention de le brûler
Il passerait d’abord un accord avec le gouvernement…
Pour finir, nous vous conseillons le visionnage de Giordano Bruno, réalisé par Giuliano Montaldo en 1973. Le film retrace la vie de ce personnage historique. La bande originale est signée Ennio Morricone.