Le jardin romain, ensoleillé, parfumé et riche en couleurs, expression d’un monde onirique, largement hérité de la civilisation grecque, constitue aussi, par l’association de l’animal, du végétal, du minéral et de l’eau, un équilibre vivant, dont l’archéologie peut restituer toutes les traces. Riches et diversifiés, ces espaces verts comportaient à l’époque antique, des arbres, des arbustes, des fleurs et des végétaux, ainsi qu’un bassin ou une fontaine, qui pouvaient être des vasques de marbre imposantes.
Partons justement sur les traces de l’histoire de ces jardins en explorant une œuvre majeure du musée Palazzo Massimo, la Villa di Livia et en observant quelques mosaïques exposées au second étage du musée !
Livia, la troisième femme de l’empereur Auguste possédait une villa à Prima Porta, au nord de Rome. Dans une salle située en sous-sol se trouvait une fresque singulière : un jardin grandeur nature décorant quasiment sans interruption les quatre murs de cette pièce. Peintes entre les années 40 et 20 avant J.-C., ces fresques ont été découvertes en 1863. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nombreux bombardements mettent en danger ces œuvres si précieuses, elles sont donc décrochées, restaurées et désormais conservées au Palazzo Massimo, un des musées nationaux de Rome.
Buste en marbre de Livia Drusilla, conservé à la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague, Ie siècle av. J.-C., ©italicaresblog
Ces fresques représentent un jardin antique qui ne s’interrompt uniquement au niveau de la porte d’entrée (il n’y a aucune fenêtre). On recense une grande variété d’arbres, de plantes et d’oiseaux mais aucun élément architectural, ni colonnes, ni piliers. Cette fresque impressionne par son caractère botanique : on dénombre 69 espèces d’oiseaux et 23 variétés de plantes. L’une d’entre-elle est assez récurrente, il s’agit du laurier. Cela s’explique par le fait qu’un bois de laurier entourait la villa de Livia. La légende raconte que c’est dans ce bois qu’étaient ramassées des branches de laurier pour célébrer les victoires des empereurs.
Lorsque l’on découvre pour la première fois ces fresques, on en a une vision très globale, surpris par l’immensité et la grande richesse iconographique de cette œuvre. Puis, on commence à être plus attentif aux détails de ce jardin luxuriant qui s’offre à nous.
Au premier plan, on remarque une clôture faite de roseaux ou de branches de saule entrelacées, située sur le mur en face de l’entrée. Au second plan, au-delà de la balustrade on observe un vaste jardin constitué d’arbres, de fleurs et de fruits.
Quel est l’intérêt de cette clôture ? Tout d’abord, elle permet de délimiter l’espace du jardin. Ensuite, elle permet de définir la position de l’observateur, en créant une perspective et une profondeur spatiale. Ce phénomène est renforcé par les plantes au premier plan qui font preuve d’une grande exactitude d’un point de vue botanique, et au second plan, d’un effet de brouillard.
Pourtant, malgré cette attention portée à la réalité, ce jardin semble quelque peu idéalisé. En effet, aucune saison n’est définie. Chaque plante est représentée à la période où elle arbore ses plus belles couleurs. Il n’y a donc pas forcément de cohérence dans le cycle naturel.
Détails de la fresque de la Villa di Livia, ©Wikipédia
Une attention particulière est portée à l’éclairage de ces fresques. Il a été réalisé par Vittorio Storaro, un directeur photographique ayant travaillé sur de nombreux films italiens et internationaux, comme Le conformiste (1970), Apocalypse Now (1979), ou récemment avec Woody Allen sur son film Coup de chance (2023). Vittorio Storaro propose d’illuminer les fresques de la villa di Livia d’une intensité variable qui évoque les différentes heures de la journée.
Les décorations en stuc, les fresques et les mosaïques des somptueuses demeures urbaines et suburbaines des empereurs et des membres de la haute société du monde romain, visaient à tromper l’œil de l’observateur en agrandissant les espaces. Pour cela, étaient représentés des scénarios fantastiques et des perspectives illusionnistes.
Le Palazzo Massimo consacre un étage entier à certains des chefs-d’œuvre les plus raffinés en matière de revêtements picturaux et mosaïques de l’art romain. Des cycles de fresques et de mosaïques provenant de complexes résidentiels entiers y sont exposés. Fracturés au siècle dernier, ils ont été reconstitués et les touristes peuvent désormais les observer dans un contexte très proche de l’original.
Cette superbe collection des mosaïques d’époque romaine dont les couleurs et les textures peuvent être très inspirantes pour votre projet, présente une grande variété de matériaux : pierre, marbre ou encore verre. Elle se distingue également par la pluralité des modèles et des représentations, couvrant un large arc chronologique : de l’époque républicaine à l’époque impériale.
En voici quelques exemples :
Cette mosaïque représente quatre auriges (des conducteurs de chars de courses) et leurs chevaux. Il s’agit d’une œuvre romaine datée de la fin du IIIème siècle après J.-C. et provient d’une villa de la propriété de la famille de l’empereur Septime Sévère située à proximité du bois de Baccano.
Cet autre exemple de mosaïque illustre les masques de théâtre antique.
Pour finir, il est possible de citer l’exemple d’un des panneaux de l’opus sectile représentant une scène du processus consularis (le cortège des consuls). C’est une œuvre de la première moitié du IVe siècle, provenant de la basilique de Junius Bassus.
Pour aller plus loin :
À la Villa Médicis, il y a un endroit qui s’appelle “La chambre des oiseaux” qui peut rappeler les fresques de la Villa Livia. On peut observer une multitude d’oiseaux et de petits animaux, et de plantes. Le spectateur a le sentiment de se trouver dans une volière.
Chambre des oiseaux, Villa Médicis, ©Arte.it
Si vous souhaitez découvrir les différentes techniques qu’utilisaient les carreleurs romains à l’antiquité, vous pouvez consulter un dossier imaginé par la BNF en cliquant ici.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le travail sur la lumière que mène Vittorio Storaro, nous vous conseillons le film Writing with Light : Vittorio Storaro (1992).