Lycée la Tournelle – Piste d’inspiration : Galerie Borghèse

Aaaaah Rome, ses majestueux monuments, ses bons plats de pâtes et ses pizzas goûteuses, ses gladiateurs en armure, ses italiennes drapées et ses hommes en toge…

Mais où sont les personnes âgées ? Comment sont-elles considérées ? et surtout, à quel âge pouvait-on se considérer âgé ? Cette question est l’objet d’un vrai débat : Cicéron, homme politique romain, considérait qu’en plus des activités intellectuelles auxquelles une personne âgée pouvait s’adonner, elle pouvait se consacrer aux activités manuelles, en particulier au travail de la terre dans les fermes. La pensée de Cicéron s’oppose à celle d’un autre penseur antique, Sénèque, qui estime qu’il est préférable de se donner la mort s’il ne nous est plus possible de vivre avec dignité. Extrême non ?

Buste de Cicéron, marbre, moitié du Ie siècle après J.-C., musées du Capitole

Pourtant, nous savons que dans l’antiquité, les romains attachaient une grande importance à leur famille, tradition qui s’est perpétuée jusqu’aux italiens d’aujourd’hui. La famille romaine antique était une structure sociale complexe basée principalement sur la famille nucléaire, mais pouvait également inclure diverses combinaisons d’autres membres, comme les esclaves domestiques et/ou affranchis. Les Romains de l’Antiquité avaient des noms différents pour décrire leur concept de famille, notamment « familia » pour décrire la famille nucléaire et « domus » qui aurait inclus tous les habitants de la maisonnée.

La famille antique, ©imperoromano

A l’intérieur de la Familia, le père, Il pater familias, le chef de famille, l’homme le plus ancien, détenait le pouvoir dans le cercle familial. Il gérait seul tout le patrimoine et les propriétés familiales. L’ancien était donc synonyme de sagesse et d’expérience. Cela va se retrouver dans la politique aussi puisqu’il était possible de faire partie du consulat seulement à partir de 42 ans, alors que l’on considérait être âgé à partir de 30 ans à cette époque. Les responsabilités militaires étaient également confiées aux anciens car l’âge avancé garantissait une décision juste.

Avez-vous remarqué que de nombreux bustes de la Rome antique représentent des hommes d’âge mûr ? Cela démontre l’importance de ce groupe social à cette époque.

Il est intéressant de comprendre de quelle manière, et ce, dans le détail et à travers des exemples concrets, les romains antiques percevaient leurs aînés et comment parvenaient-ils à leur apporter un confort dans la société et dans leur domicile. Pour cela, nous découvrirons les représentations des ancêtres dans la mythologie et l’art d’inspiration antique dans la galerie Borghèse, un des musées les plus importants de Rome et qui regorge de beautés picturales et sculpturales.

Galerie Borghèse, ©villaborghesetours

La première œuvre que nous verrons est liée à l’histoire d’Enée. La connaissez-vous ? Je vous la raconte mais on la reverra quand vous serez à Rome :

Enée, héros de la guerre de Troie, fuit la ville en flammes et part se réfugier en Italie. Il ne part pas seul mais il est accompagné de Anchise et Ascagne et c’est cette fuite, racontée dans l’Enéide, roman écrit par Virgile, qui a inspiré le Bernin, pour cette sculpture de 2,20 mètres que nous verrons en chair et en os… C’est le moins qu’on puisse dire car le génie de Bernin fait vivre sa statue tellement les détails et mouvements sont précis ! 

Gian Lorenzo Bernini dit le Bernin en français est le maître absolu du mouvement artistique italien du XVIème siècle que l’on nomme le Baroque. Ce mouvement se caractérise par une liberté des formes et par une prolifération des ornements. Vous verrez, nous verrons plusieurs exemples dans la Galerie !

Autoportrait, Le Bernin, ©Wikipedia

Mais revenons à nos moutons ou plutôt à notre statue : elle représente trois générations de la famille d’Énée : tout d’abord, Énée, le protagoniste, qui porte sur ses épaules son père, Anchise, suivit par son fils Ascagne.

Anchise (le père) a le dos courbé et ses jambes sont paralysées, mais il conserve précieusement entre ses mains les cendres des ancêtres de sa famille, recueillis dans un vase. Énée, le supporte, le hissant sur ses épaules pour qu’il puisse continuer à avancer, aller de l’avant. Ascagne (le fils) semble tenir entre ses mains l’espérance, le futur de la famille : le feu éternel du temple de Vestales symbole d’une nouvelle vie lumineuse qui débutera ailleurs, à Rome.

Énée, Anchise et Ascagne, Le Bernin, marbre, 1616-1619, Galerie borghèse, ©Wikipédia

détails, ©BNF

La différence d’âge entre les trois protagonistes permet d’observer les nombreuses techniques que maîtrise le Bernin. En effet, malgré l’utilisation d’un matériau brut (le marbre) l’artiste réussit à transcrire la douceur de la peau de l’enfant, la force de celle d’Énée et enfin celle d’Anchise, ridée. De plus, la composition de l’œuvre en spirale met en relief la psychologie des personnages. Anchise (le père), est craintif tout en étant optimiste puisqu’il soutient le symbole de la patrie abandonnée, les cendres de ses ancêtres. Énée est résigné et affronte avec sérénité son destin : il sera le fondateur de la nouvelle civilisation romaine. Enfin Ascagne (le fils) bien que peureux, il est pensif comme son grand-père Anchise. 

La figure d’Énée est récurrente dans l’art. Ainsi, dans L’incendie de Borgo, de Raphaël, conservé au Vatican, il est possible d’apercevoir entre les personnages, le troyen avec son père et son fils. Je vous laisserai les chercher dans le tableau, un Raphaël version Où est Charlie ! 

L’incendie du Borgo, Raphaël, huile sur panneau, 1514-1517, chambre de Raphaël, musée du Vatican, ©Vatican

Nous observerons aussi une peinture de Caravage intitulée Saint Jérôme écrivant. Réalisée entre 1605-1606, elle met en scène le saint dans les traits d’un vieillard dont la tête est surplombée d’une auréole. Le protagoniste est en train d’étudier sur une table encombrée de livres.

Saint Jérôme écrivant, Caravage, Huile sur toile, 1605-1606, Galerie Borghèse, ©Wikipedia

Saint, héros: nous avons peu d’informations aujourd’hui sur le rôle des anciens des catégories sociales plus modestes, pourtant, il existait des lieux où ils étaient accueillis, soignés, où l’on prenait soin d’eux et des autres malades. Il ne s’agit pas d’hôpitaux mais de temples.

En 293 avant J.-C., Rome est frappée par une violente épidémie. Ainsi, un temple dédié au dieu de la médecine Esculape, fut construit sur l’île Tibérine. Il en reste encore aujourd’hui quelques vestiges ! Dans ce temple, étaient accueillis les personnes de toutes catégories sociales qui étaient atteintes de maladies considérées comme incurables, qui n’avaient pas les moyens de se payer des soins ou qui refusaient des soins douloureux.

Le dieu Esculape, ©Wikipédia

Il était notamment possible d’être soigné par une pratique appelée “incubatoio” qui consistait en une sieste régénératrice pendant laquelle était invoqué le dieu. Les malades recevaient également des soins réalisés à base d’herbes aromatiques et autres éléments naturels. On leur préconisait également une alimentation saine, une hygiène irréprochable ainsi que la pratique d’exercices physiques. Ce temple ressemblait en quelque sorte à une maison, dans laquelle on prenait soin des anciens et des malades.Sur les vestiges de ce temple a été construit en 1591 un hôpital (Fate bene fratelli), toujours en fonction aujourd’hui !

La pratique d’incubatoio, relief en marbre, IV sec. a.C., Atene, Museo Archeologico del Pireo, ©lacittaimmaginaria

Aujourd’hui encore, la société italienne donne beaucoup d’importance aux aînés. D’ailleurs, la plupart des personnes âgées restent chez elles. Elles sont encadrées et prises en charge par une “badante”, une personne qui l’aide dans ses tâches quotidiennes (courses, ménage …) mais qui est aussi présente pour passer du temps avec elles (discuter, se promener, jouer…).

Pour aller plus loin :

Pour en savoir plus sur l’organisation de la famille antique, nous vous conseillons de consulter ce dossier conçu par Odysseum, en cliquant ici.

Pour découvrir plus en détail le Bernin et ses œuvres, cliquez ici.

Nous vous invitons à faire des recherches complémentaires sur la légende de Romulus et Remus, descendant d’Énée. Il s’agit là encore d’une histoire de famille.

Dans le sud de l’Italie, il existe une musique et une danse traditionnelle, remontant au XVIII siècle, la Tarentelle. A cette époque, on accordait à cette musique et cette danse des pouvoirs thérapeutiques. Le malade entrait dans une sorte de transe pour se libérer de sa maladie. Aujourd’hui, on continue de danser et de chanter des tarentelles, pas pour se soigner mais pour régaler les yeux et les oreilles. Écoutez Luna lunedda, par l’ensemble l’Arpeggiata !

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